Parmi les contrats qui font l’objet de nombreuses controverses à cause de la situation notamment économique générée par le COVID-19, il y a les baux commerciaux.
Au début de la crise sanitaire, une proposition de loi avait été déposée afin de suspendre l’obligation de paiement des loyers relatifs aux baux commerciaux pendant la durée de l’état de crise. Cette proposition de loi n’avait toutefois pas abouti.
Faute de trésorerie suffisante, de nombreux commerçants n’ont pas été en mesure de payer leur loyer durant les périodes de fermeture administrative obligatoire décrétées par le gouvernement.
Dans deux décisions récentes, le tribunal de Paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer, a eu l’occasion de donner gain de cause à des commerçants qui ne s’étaient pas acquittés de leurs loyers durant ces périodes.
Dans ces deux décisions, rendues respectivement en date des 13 et 14 janvier 2021, par des juges différents, le Tribunal a adopté le même raisonnement en se basant sur l’article 1722 du Code civil qui dispose que : " Si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ".
Le Tribunal rappelle qu’il est unanimement admis que cette disposition, applicable au bail commercial et qui n’est qu’une application de la théorie des risques, vise non seulement la destruction matérielle de la chose louée, mais également sa perte juridique. En effet, le bailleur doit procurer au locataire la jouissance paisible de la chose louée, conformément à la destination prévue par les parties. Dès lors, lorsque les circonstances de force majeure rendent impossible ou contrarient la destination prévue au contrat de bail, l’obligation de payer les loyers cesse en tout ou en partie.
Selon le Tribunal, il y a perte juridique si le bien loué devient impropre à la destination pour laquelle le contrat de location a été conclu et ce notamment à la suite d’un évènement extérieur. En cas de perte juridique temporaire des lieux loués, le locataire se trouve également temporairement délié de ses propres obligations envers le bailleur, dont notamment le paiement du loyer et des charges.
Dans ces deux affaires, après avoir relevé que les mesures mises en place dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 interdisait l’accueil du public dans les commerces concernés, le Tribunal en a déduit que la période de fermeture pendant le confinement constituait un cas de force majeure temporaire qui empêchait de procurer au locataire la jouissance paisible de la chose louée conformément à la destination prévue par les parties.
Le Tribunal en est alors arrivé à la conclusion qu’il y avait perte juridique temporaire des lieux loués dans le chef du locataire qui se trouve, par application de l’article 1722 du Code civil, délié de son obligation de payer le loyer et les charges.
Ces deux décisions, sujettes à un éventuel appel, risquent d’avoir un impact important dans les mois à venir. Par exemple, les commerçants du secteur de l’HORECA, qui paient encore leur loyer malgré la fermeture de leurs établissements, pourront s’en prévaloir pour cesser de les payer. En outre, il n’est pas exclu que certains commerçants s’en prévalent pour réclamer à leur bailleur le remboursement des loyers qu’ils ont payés lorsque leurs commerces étaient fermés au public.
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